L’humain a commencé par s’adapter à la nature pour survivre. Maintenant, le défi a changé. Pour conserver notre qualité de vie, on doit apprendre à protéger la nature.
Dans le passé, on a cherché à contrôler notre environnement pour arriver à nos fins. On se rend compte aujourd’hui qu’ on comprend mal l’impact qu’on a quand on modifie l’équilibre naturel. On s’est souvent tiré dans le pied comme ça… oupsi !
Une leçon qu’on peut tirer c’est que mère nature est plus sage que nous. À notre défense, elle a eu des milliards d’années d’évolution pour apprendre !
C’est pour cette raison que je travaille à aider le maraîchage biodiversifié. Je crois que c’est en valorisant les mécanismes naturels qu’on va arriver à nourrir le monde de manière durable.
Par exemple, cet hiver, j’ai eu la chance d’apprendre sur la production à l’année. Catherine Sylvestre m’a aidé à mieux comprendre les défis de faire pousser des légumes l’hiver et les pratiques qu’elle utilise pour y arriver. Depuis qu’elle gère la production maraîchère à la ferme des Quatre-Temps, Catherine expérimente avec la production en continue. Pour y arriver, elle choisit les légumes adaptés pour chaque saison.
Ses découvertes deviennent encore plus intéressantes sachant que la ferme est bien partie pour dépasser son objectif de 100k $ en récolte hivernale cette année.
J’ai décidé d’écrire sur le projet de Catherine en espérant en inspirer d’autres à croire en leur capacité d’avoir un impact pour que manger durable devienne l’option facile !
Pourquoi cultiver à l’année en serres?
L’approche de Catherine est d’adapter sa production en fonction des saisons. En se concentrant sur des cultures adaptées au froid pour l’hiver, la directrice maraîchère des Quatre-Temps arrive à un modèle rentable, accessible et avec une plus petite empreinte énergétique.
Au niveau de la société, ce modèle permet d’explorer la diversité de légumes disponibles pour progresser vers la souveraineté alimentaire. Mes grands-parents avaient juste accès à des légumes de conservation l’hiver. Maintenant, on a beaucoup plus de choix. Et ce, même dans un pays nordique !
À la ferme, on mange des légumes frais à l’année. On s’habitue. C’est difficile de revenir en arrière ! - Catherine
Populariser la culture à l’année permettrait à toute la population de profiter de cette fraîcheur disponible aux Quatre-Temps.
Pour les maraîcher.ères, ce système de production où des légumes aimant le froid sont cultivés en hiver en serre est très accessible. Tout d’abord, il ne nécessite aucun investissement en lumière artificielle. Et ensuite, les coûts de chauffage sont beaucoup plus bas que pour une production plus typique de tomates en hiver.
Ce modèle de production en continue est une opportunité de changer l’aspect saisonnier du travail de maraîcher pour en faire une occupation à temps plein. Avoir des légumes à l’année donne un coup de pouce pour fidéliser sa clientèle. Sans parler de ses employé.es !
Finalement, les producteur.trices que j’ai rencontré qui réussissent le mieux sont ceux et celles qui suivent un système bien défini. Et ce système a besoin d’être constamment raffiné. D’ailleurs, Catherine me disait que «simplifier et systématiser» est un principe qu’elle transmet à son équipe.
Par contre, j'entends souvent qu'il est difficile de mettre en place un système lorsqu'on doit toujours courir pour tout faire dans les temps.
Et si la production à l’année permettait aux maraîcher.ères d’équilibrer la charge de travail sur l’année pour pouvoir travailler sur leur système de production ? Sans compter le défi de la mise en marché. C’est peut-être l’opportunité de changer le sprint de la saison vers un rythme plus constant et plus sain !
Après tout, c’est l’accumulation de petits défis qui laissent les producteur.trices épuisé.es à la fin de la saison. L’accumulation de petites améliorations est peut-être la solution !
Si on en fait moins, on peut investir dans l’optimisation de sa ferme. Aux Quatre-Temps, je pense qu’on peut encore améliorer nos rendements de 25% tout en réduisant la quantité de cultures implantées l’an prochain. Sans parler de notre qualité de vie ! - Catherine
On est rendu où?
Après 4 ans d’expérimentations, on est rendus où ? Produire à l’année était tout un défi au début à la ferme des Quatre-Temps. Catherine m’explique qu’il y avait très peu d’informations quand elle a commencé à expérimenter. Tout était à découvrir !
Heureusement, il y a de plus en plus de ressources disponibles sur le sujet. En préparant le webinaire sur comment gérer ses coûts d’énergie l’hiver, j’ai trouvé plusieurs sources d’informations intéressantes telles que les projets de recherche de Charlotte Giard-Laliberté au CETAB+ !
Les structures pour protéger les plants, le calendrier de production, les légumes à produire, le climat à maintenir; on commence à avoir une idée. La recette continue de s’améliorer mais, en attendant, elle permet déjà aux maraîcher.ères de la ferme des Quatre-Temps de récolter en continu dans les mois les plus difficiles: novembre à mars.
Quels sont les prochains défis?
J’ai demandé à Catherine quels sont ses prochains projets. J’en ai retenu 4 :
La réduction des coûts d’énergie;
Le développement d’outils pour connaître le nombre de jours à maturité des différentes cultures;
Le contrôle de ravageurs;
La mise en marché.
Réduction des coûts d’énergie
Premièrement, Catherine a pour projet d’électrifier les serres pour l’hiver prochain pour réduire ses coûts de chauffage. Une analyse préliminaire montre qu’elle sauverait 10 000 $/année par serre de 42x100’ !
En parallèle, elle regarde pour améliorer l’efficacité énergétique de ses serres. Est-ce qu’on peut produire à l’année avec une faible empreinte écologique? Je crois que oui ! On lui en reparle l’an prochain.
Jours à maturité
Le calendrier de production est en constante évolution à la ferme. Savoir quand implanter ses cultures pour pouvoir récolter en continu toute l’année est plus difficile que j’aurais pensé…
Les journées qui raccourcissent ont un gros impact sur le temps que prendra le plant à arriver à maturité. Ça peut prendre 4x plus de temps à une culture pour arriver à maturité quand on la plante quelques semaines plus tard à l’automne. C’est une connaissance cruciale si on veut récolter à chaque semaine !
À ce sujet, je travaille avec Catherine pour comparer nos données de luminosité avec leur données de récolte pour créer un calculateur de date d’implantation pour la ferme des Quatre-Temps. Si c’est quelque chose qui vous intéresse, écrivez-nous. Comme ça, on sait si ça vaut la peine de mettre des efforts pour adapter le résultat et le rendre public !
Ravageur
La nature est plus résistante au froid qu’on pense. Malheureusement, c’est également le cas des ravageurs. Les pucerons, par exemple, donnent encore du fil à retordre aux maraîcher.ères des Quatre-Temps.
En cultivant à l’année, la pression des ravageurs augmente. C’est un aspect que Catherine cherche à améliorer. Cette année, elle a fait 2 générations pendant la saison hivernale séparées par un vide sanitaire en janvier pour contrôler les problèmes. Elle est satisfaite des résultats !
Mise en marché
Le dernier défi que Catherine m’a partagé est la mise en marché. Nous devons faciliter l’accès à la diversité de légumes de saison si on s’intéresse à la souveraineté alimentaire !
«Présentement, si tu veux acheter des légumes locaux l’hiver, tu vas où ?», m’a demandé Catherine. Évidemment, je n’avais pas de réponse intelligente à lui donner… même en habitant à quelques pas d’un marché public.
La formule de paniers fonctionne l’hiver aussi, mais ce n’est pas suffisant si on veut populariser nos légumes locaux. Comme pour l’été, d’autres canaux que les paniers sont nécessaires.
Pour supporter les maraîcher.ères, rendre possible la vente à l’année dans les marchés publics est une autre solution à explorer selon Catherine.
En continuant le développement, on va faire de la production à l’année, une pratique répandue et rentable ! - Catherine
Quoi faire pour se lancer ?
Si tu considères que la production à l’année est un projet intéressant pour ta ferme, Catherine a quelques conseils pour toi.
Le premier conseil qu’elle m’a donné est de profiter du travail de ceux et celles qui sont passé.es avant. J’assume qu’elle parle d’expérience ici ! Commencer avec le calendrier d’une productrice qui produit déjà l’hiver et l’adapter à ta réalité te sauveras beaucoup d’erreurs.
J’ai été surpris de son deuxième conseil : Commencer à planifier dès avril ! Armée de son expérience, elle a généreusement repoussé mon ignorance un peu plus loin en m’expliquant qu’elle devait semer ses céleris dès juin pour pouvoir les récolter pendant l’hiver.
Pour remplacer les plants fatigués et réduire la pression des ravageurs, Catherine propose aussi d’ajuster son calendrier pour faire 2 implantations. Une en septembre et une en janvier avec 3 semaines de vide sanitaire entre les deux.
Finalement, si tu t’y prends tardivement ou si tu veux commencer simplement. Commence avec des semi-directs seulement !
Ce qui surprend le plus c’est de voir des plantes gelées ressusciter chaque jour après quelques heures de soleil. La nature est plus forte qu’on pense. Adaptons-nous pour en profiter. - Catherine
Des pionniers comme Eliot Coleman ont commencé la production 4 saisons, il y a longtemps. Des passionnées reprennent les idées et les amènent plus loin. De plus en plus, on sent un enthousiasme grandissant venant des producteur.trices. De nouvelles possibilités s’ouvrent pour nourrir notre monde à l’année avec des légumes frais.
J’ai eu la chance de vivre à Taiwan où c’est plus facile de manger des légumes fraîchement cueillis du jardin que d’acheter un burger. On a encore des croûtes à manger, mais on peut y arriver ici aussi !
J’espère que lire sur les développements de Catherine t'inspire à expérimenter et à partager tes résultats. Ensemble, on va trouver comment faire pour qu’une alimentation durable devienne l’option facile. Producteur.trices, organisateur.trices de marché public, consommateur.trices. On peut tous et toutes participer !
En apprendre plus sur la production à l’année
Comment reproduire les résultats de Catherine ? Elle a écrit un livre avec Jean-Martin Fortier sur le sujet.
Je te propose également mon humble contribution pour en apprendre sur comment contrôler les coûts de chauffage.
T’as d’autres questions ? Appelle-nous, on va essayer de te trouver la réponse :)
Super ferme